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dimanche 18 juillet 2010

Entreprenariat : L'entreprise-essaim à la conquête de l'Equipe de France ?

La Coupe du Monde est terminée. Depuis longtemps sans l’équipe de France, et on a beaucoup écrit sur les raisons de sa débâcle : causes sportives ou sociétales, faiblesses managériales ou de gouvernance. Mais cet échec nous en dit également long en matière de culture entreprenariale. Il illustre le fait que la Fédération Française de Football est restée aveugle à un phénomène de fond qui a transformé les relations sociales dans le foot comme dans tous les domaines économiques, à savoir l’émergence de l’entreprise-essaim.
L’entreprise-essaim, par opposition à l’entreprise-ruche où chacun se voit attribuer un statut en même temps qu’une fonction, se caractérise par un agrégat plus ou moins formel et toujours mouvant d’acteurs économiques de taille et statut divers, qui vont contribuer pendant un temps limité au projet en cours à une réalisation collective. L’essaim se sépare dès ce projet terminé, pour se reformer ailleurs dans une autre composition, pour une nouvelle réalisation. Cette entreprise-essaim tend à devenir une organisation de plus en plus prégnante des relations sociales[1]. Ceci sous le triple effet de l’externalisation accrue des ressources par des entreprises sous la pression du court-terme imposé par l’actionnariat, de l’aspiration de populations plus formées et plus distanciées à des modes de vie conjuguant mieux vie professionnelle et vie privée, et des moyens technologiques permettant la mise en oeuvre de ces deux tendances.
Or, plus qu’un conflit de génération, on a eu à faire à l’occasion de la Coupe du Monde (et pas qu’en Equipe de France d’ailleurs) à la confrontation brutale entre ce modèle avancé de l’entrepreneur indépendant qu’est devenu le footballeur professionnel (comme peut aussi l’être dans une autre sphère l’artiste), et une relique de l’entreprise-ruche centralisatrice qu’est restée la Fédération. En effet, et il est cocasse que ceux qui l’ont engendré fasse mine aujourd’hui de s’en apercevoir, le footballeur pro a depuis longtemps gagné son autonomie. Depuis l’arrêt Bosman[2], les clubs l’ont fait passer dans leur bilan de la colonne salarié, un salarié de droit national en quasi CDI jusqu’à sa retraite sportive (et donc une charge en terme comptable!), à la colonne produit. Rendu libre de circuler partout en Europe, il est devenu un actif liquide pouvant être vendu et acheté sur un marché quasi-mondial et dont le « trading » peut représenter jusqu’à 10 % du CA de l’exercice. (cf. résultats du seul club français côté : Groupe Olympique Lyonnais). De ce fait, le joueur, autrefois rattaché exclusivement à l’entreprise-ruche qu’était le club (et celui-ci ne faisait que prêter de temps à autre sa ressource à « sa » fédération nationale, avec à la clé de « simples » conflits d’intérêt liés à son usage : blessures, assurances …), a multiplié et diversifié ses donneurs d’ordre : parfois plusieurs clubs par saison avec l’apparition des transferts hivernaux, formules de prêts, jokers médicaux … mais aussi intégration d’écurie d’agent, contrat personnel avec un équipementier différent de celui du club ou de la fédération, contrats de sponsoring à long terme avec d’autres annonceurs (cf. Zidane avec Danone depuis 2004 et jusqu’en 2015). Autant de diversifications qui dégagent le joueur de l’aléa sportif et de l’irrégularité des performances.
Au milieu de cette imbrication d’intérêts croisés, l’équipe nationale n’est plus qu’un donneur d’ordre parmi d’autres, exceptionnel pourvoyeur de Valeur Ajoutée en cas de réussite dans les vitrines médiatiques que sont Coupe du Monde et Championnat d’Europe, mais capable de la détruire aussi vite en cas d’échec sportif ou de blessure entre deux contrats ! Dans un tel contexte, il est indispensable que les interlocuteurs des joueurs au sein de l’équipe nationale, sélectionneur comme dirigeants, aient bien intégré cette logique de multiplicité des tâches, pour développer un projet de type entreprise-essaim à même de mobiliser toute l’attention des entrepreneurs-joueurs qui vont la composer. Or le choix de Domenech était particulièrement révélateur de la méconnaissance de tels mécanismes. Domenech, qui n’a jamais connu le succès en tant qu’entraineur de club a rejoint rapidement la Direction Technique Nationale où il a fait une carrière caricaturale de cadre supérieur d’entreprise-ruche : sens politique (il a su vendre pendant 6 ans à ses supérieurs le discours de père fouettard que ceux-ci voulaient entendre), allégeance aux dirigeants les plus influents, gout pour la division et la fabrication de boucs émissaires, élimination systématique des collaborateurs pouvant lui faire de l’ombre (cf. la médiocrité de son staff et l’éviction de René Girard en charge des espoirs). Autant d’attitudes qui ne pouvaient que le disqualifier auprès de joueurs qui, loin de l’immaturité qu’on a bien voulu leur attribuer, sont au contraire rompus aux méthodes de travail et de management des plus grands entraineurs internationaux dans des contextes de concurrence exacerbée. Ils sont par ailleurs habitués à jongler avec la notion de Valeur Ajoutée, négociant la pression énorme qui est exercée sur eux contre la promesse de projets lisibles, sportivement et économiquement.
Et maintenant ? Même si tout ne sera pas idyllique, le choix de Laurent Blanc, un entraineur « PME » qui vient avec une équipe totalement extérieure à la DTN, montre qu’une prise de conscience était déjà en cours. Comme toute crise, celle ouverte par la grève du 20 juin va hâter le mouvement, en faisant disparaitre les plus conservateurs des dirigeants. Espérons donc que la nouvelle entreprise-essaim qui va prendre corps connaitra la réussite lors du prochain Championnat d’Europe, pour éviter les retours en arrière et les remises en cause !
[1] Pour mémoire, le nombre d’indépendants avait augmenté de 2 % par an entre 2002 et 2007 d’après une enquête récente de l’INSEE, pour atteindre 1,5 millions de personnes. On peut imaginer qu’avec la crise persistante et la création du statut d’auto-entrepreneur, ce nombre soit encore plus élevé aujourd’hui.
[2] L’arrêt Bosman est une décision de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), rendue le 15 décembre 1995 considérant que les règlements de l'UEFA, et notamment ceux instaurant des quotas liés à la nationalité, étaient contraires à l'article 48 du Traité de Rome sur la libre circulation des travailleurs entre les États membres.

lundi 4 janvier 2010

2010, le retour du Blog

Puisqu'on ne peut pas être partout en même temps, j'ai un peu délaissé Y-Zap durant le dernier trimestre de 2009. Mais avec la nouvelle année, il ne s'agit pas que d'une bonne résolution : Autant que de la disponibilité (ou plutôt du temps réservé), c'est aussi le retour de la matière, en gestation en 2009, qui va permettre d'enrichir ce Blog. Et tout d'abord, c'est de saison, les véritables voeux d'YZ agence de projet : 365 JOURS D'HEUREUX CHANGEMENTS POUR 2010.